Cinq bonnes raisons d’aller voir Wonderland

Wonderland
Wonderland arrive dans les salles hexagonales avec un titre franco-français, au lieu de l’allemand Heimatland et du romand L’Amère patrie. Pas grave si on ne comprend rien à ces changements de titre hautement stratégiques, l’important c’est qu’un nuage mystérieux et menaçant grossit au-dessus de la Suisse, annonciateur d’une catastrophe naturelle sans précédent pour les Helvètes. Face au désastre imminent, une mosaïque de personnages réagissent, s’organisent, chacun-e à leur manière. LMDLO a (beaucoup) aimé et compte (au moins) cinq excellentes raisons de se précipiter dans l’un des rares cinémas projetant le film.


Raison Un : un film suisse atteignant les écrans français, voilà un événement suffisamment rare pour éveiller la curiosité ciné-géographique (et peu importe si on a déjà vu Ma vie de courgette). Le choc culturel se révèle d’ailleurs d’une ampleur inattendue, si l’on en croit un papier dans un certain quotidien français de référence. Celles et ceux armé-e-s de quelques certitudes sur le monde (du type : au Japon règne la discipline, les Roms volent les enfants, les Russes sont alcooliques et les Noir-e-s ont le rythme dans la peau) remercieront Thomas Sotinel d’ajouter une corde à leur arc de préjugés ethniques : les Suisses aiment la "mécanique". Il faut saluer au passage l’audace de Kanibal Films, distribuant le film en France en dépit du gouffre culturel séparant les deux nations.

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Raison Deux : dix cinéastes, pas moins, ont participé à l’aventure initiée par Michael Krummenacher et Jan Gassman. Ce projet original aboutit à un film choral à la fois par son contenu et sa conception, affichant certes quelques faiblesses de rythme et, par moment, un air un peu dispersé entre neuf histoires indépendantes. Mais l’unité prédomine et on s’ennuie rarement. Et un individu normal devrait parvenir à garder le fil sans trop de difficulté – en tout cas moins que pour suivre Magnolia ou Game of Thrones.

Raison Trois : celles et ceux qui ont gardé un souvenir ému d’une scène du Jour d’après – pas forcément du reste du film –, où des flux de réfugié-e-s étatsunien-ne-s se déversent vers le sud et traversent le Rio Grande en toute illégalité, goûteront une séquence clé de Wonderland à la frontière germano-suisse, petit moment de plaisir coupable. La catastrophe rebat les cartes géopolitiques et contraint à un changement de point de vue salutaire pour des Européens soigneusement calfeutrés derrière les barbelés de leur forteresse continentale.

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Raison Quatre : la Suisse fait office, depuis une vingtaine d’années, de laboratoire de normalisation de la droite radicale. L’UDC (Union démocratique du centre, parti ultralibéral et xénophobe, comme son nom ne l’indique pas) arrive en tête des élections fédérales depuis les années 2000, avec un pic à plus de 30% en 2007. Or c’est bien sûr cette situation politique dont nous parle le nuage de Wonderland, cette ambiance générale d’hostilité à l’Autre dont la Suisse, c’est vrai, ne possède pas le monopole. Plus largement, cette apocalypse helvétique permet de scruter les coulisses de la réussite économique de la Confédération, c’est-à-dire les tréfonds d'un inconscient national pas si tranquille que le laisseraient penser les façades proprettes du palais fédéral ou du siège d’UBS.

Raison Cinq : les habitant-e-s de la France éternelle, guide universel de l’Humanité et des Arts, profiteront du film pour s’intéresser (un peu) à leur voisin, à son plurilinguisme et sa diversité, à travers neuf intrigues qui les emmèneront de Zurich à Lausanne en passant par Thoune et Bâle. Bref, cet "instantané subjectif et autocritique du point de vue d’une nouvelle génération de cinéastes suisses", dixit le dossier de presse, offre une belle occasion de découvrir la Suisse autrement qu’à travers ses comptes numérotés.

Ah et puis : Wonderland est un super film. Si jamais.

La bande-annonce:

HEIMATLAND - Trailer français from CONTRAST FILM on Vimeo.

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