Rencontre avec Cyril Schäublin: "la parole est toujours politique"

Dene Wos Guet Geit (Ceux qui vont bien) est sorti en mai dans les salles romandes (on avait découvert le film à Locarno en 2017). Pour l'occasion, le réalisateur zurichois Cyril Shäublin  a répondu aux questions de LMDLO et, après quelques extraits publiés dans le journal de solidaritéS, voici l'entretien dans son intégralité. Au menu d'une longue discussion : des lieux étranges, une langue étrange, Robert Bresson, le Comité invisible... et l'envie de faire un cinéma sincère, sans fioritures.



LMDLO : Pour commencer, deux sources alimentent ton film. Premièrement, un fait divers : une jeune femme, Alice, soutire de grosses sommes à des vieilles dames en se faisant passer pour leur petite-fille. Deuxièmement une chanson de Manni Matter, à laquelle tu as emprunté le titre. Comment ces deux choses se rejoignent-elles ?

Cyril Schäublin: J’ai été à l’étranger pendant dix ans. Quand j’étais encore à Berlin, je savais que je voulais faire un film à Zurich. Je voulais rentrer en Suisse pour réaliser mon premier long métrage, et je savais que ce serait à Zurich, ma ville natale. Je me demandais comment montrer cette ville, comment trouver des images. Un jour où je suis en visite à Zurich, dans le tram, je lis la Zürcher Zeitung et je vois un article sur cette arnaque. Et il y avait devant moi une jeune femme blonde, très « normale », alors je me suis imaginé : et si cette femme suisse, très normale, commettait ce crime. Puis j’ai pris ce fait divers comme un fil conducteur, pour montrer des espaces, des endroits qui m’intéressaient, comme les banques, les call centres, où il y a une certaine langue, qui m’intéresse.

Dene Wos Guet Geit: Alice/Sarah Stauffer

Concernant la chanson, je voulais un titre suisse allemand, et pas allemand. C’est assez rare, en Suisse alémanique, de choisir un titre alémanique, ça fait un peu démodé, pas très « cool ». Mais j’aime beaucoup la langue. Le problème, c’est qu’il y a beaucoup d’accents différents (zurichois, bernois, saint-gallois, etc.) donc je voulais une citation. Un titre de chanson, c’est une citation. Et puis j’aime beaucoup Manni Matter : tout le monde le connaît en Suisse alémanique, les enfants connaissent toutes ses chansons. Et cette chanson parle de la distribution des richesses. Elle pose une question très simple : comment partage-t-on la richesse collective ? Elle rappelle qu’il y a toujours un conflit entre ceux qui ont plus et ceux qui ont moins, et elle pose la question de ce conflit de manière très simple, compréhensible par des enfants. Disons que c’est une manière joyeuse de réfléchir à cette distribution, une manière ouverte, pas dogmatique. C’est ce que j’aime dans cette chanson et c’est pour ça que j’ai pris le titre.

Ce que tu viens de décrire reflète ta démarche ? Tu dis que ce n’est pas dogmatique, que c’est un traitement plutôt joyeux des inégalités. C’est ton projet ? 

J’espère, oui. Je me suis beaucoup demandé, avant d’écrire et de tourner : quel film peut-on faire en Suisse maintenant ? Mais j’espère que c’est la manière dont va être vu le film. En un sens il y a beaucoup d’interprétations possibles, c’est ouvert. Mais bien sûr il y a des suggestions.

"Je vois beaucoup trop de réponses dans le cinéma contemporain."


On peut avoir une lecture très pessimiste du film. Le personnage principal, dont tu dis que c’est une jeune femme « très normale », semble sans émotions, indifférente à ce qui se passe. Elle poursuit comme seul projet de gagner beaucoup d’argent. Qu’est-ce que tu décris à travers ce personnage, de quoi est-il l’incarnation ? 

Difficile de répondre. Pour moi, le point de départ était de poser des questions, pas de donner des réponses. Je vois beaucoup trop de réponses dans le cinéma contemporain, partout. Je vois aussi beaucoup de psychologie, une psychologie projetée sur les gens. En réalité, cette psychologie raconte une anti-psychologie, ça ferme tout. Au contraire, je crois qu’on peut ouvrir un espace pour le spectateur, le laisser se questionner : il y a quoi, ici ? Que se passe-t-il sur ce visage ? J’adore Bresson, qui a beaucoup travaillé là-dessus dans ses films.

Je trouve les humains très forts, pas besoin de plaquer dessus de la grosse psychologie. Pour moi, c’est très fort, l’humain. Pour ce film, j’ai travaillé avec des gens que j’aime beaucoup, des amis, et je trouve beaucoup d’humanité dans ce film, pour moi ce ne sont pas des robots, ce sont des humains.
Après, la question, c’est peut-être : c’est quoi, ces gens ? Les relations dans le film ne sont pas très personnelles, les personnages ne sont pas des amis. Ce sont des relations entre des gens liés professionnellement, et c’est une réalité, une part de notre vécu, je crois : on travaille ensemble, on partage nos vies professionnellement. Alors je me demande : que se passe-t-il dans ce contexte ? Et est-ce que ça pourrait être différent ?

Je reviens à ton personnage d’arnaqueuse. Tu préfères les questions aux réponses mais, quand même, ce personnage, est-ce un symbole ? Est-il représentatif de quelque chose de plus large ? 

J’imagine que oui. J’ai montré le film dans plusieurs pays, au Brésil, aux États-Unis, et les gens connaissent cette situation : tu parles avec la banque, avec un call centre, tu dois dicter des chiffres, ça existe, c’est une langue très réelle. Elle est nouvelle mais réelle, on parle beaucoup comme ça.

Quand j’ai fait le montage du film, à Genève, j’étais chez des amis, et à un moment, deux types ont parlé une heure de leur forfait, de ce qu’ils paient pour leur téléphone. Ça existe, on parle de ça, tout le monde. Mais peut-être que ça existe mais que ça n’est pas tellement vu, pour le moment. Je vois ça partout, mais ce sont encore des humains qui parlent.

Par exemple, à New York, les gens ont beaucoup ri, ils m’ont dit que c’était une satire, une comédie. A Zurich aussi, les gens ont ri. J’aime beaucoup que les gens trouvent le film drôle. Il y a aussi un humour, je trouve, autour de cette répétition. C’est une forme de réalité, c’est tellement normal, peut-être que c’est absurde, mais je vois partout ce genre de conversations.

Tu dis que c’est une langue, alors sortons les grands mots : c’est la langue du capitalisme ? la langue du marché ? 

Pour moi, le capitalisme, l’idée du capitalisme, c’est quelque chose qui se passe toujours ailleurs. C’est toujours dans un endroit que moi, et je crois nous tous, nous n’arrivons pas vraiment à situer. C’est bizarre, on ne sait pas bien qui est coupable, c’est un peu un mystère. Mais on fait soi-même partie de l’exécution de cette organisation, l’organisation de la propriété. Et on en parle entre collègues.

Cette langue est peut-être plutôt une langue de l’organisation : notre organisation est capitaliste, oui, mais je crois qu’avec ce film je m’intéresse aux humains, qui sont ensemble, et qui parlent entre eux, parce que c’est notre réalité. Et c’est aussi là que des petites révolutions peuvent se produire. Je pense que c’est la seule expérience réelle, des gens ensemble. Et peut-être que si on prend conscience de cette langue, on pourra alors se demander comment on pourrait parler autrement. Bien sûr, c’est impossible de parler seulement comme dans le film, c’est une exagération, on ne parle pas comme ça tout le temps, mais c’est une grande partie de nos interactions.

Revenons à la question de l’argent. Alice gagne beaucoup d’argent, on arrive à des sommes considérables. Mais ce n’est jamais assez, elle continue. Et on ne la voit pas dépenser son argent, on suppose qu’elle ne fait rien avec, on la voit seulement le placer dans une grande banque. Que raconte ce personnage qui accumule de l’argent sans but apparent ? 

Je n’y ai pas trop pensé, laisse-moi réfléchir… Je pense que je ne voulais pas raconter comment elle dépense son argent, parce que cela aurait instauré dans l’intrigue une sorte de suite logique, rationnelle : tu fais une chose, puis logiquement tu en fais une autre ensuite. Si tu montres comment elle dépense son argent, pour aller en Thaïlande ou je ne sais quoi, tu fais de la psychologie, et ça ne m’intéresse vraiment pas.

Moi aussi j’ai travaillé dans un call centre, j’ai une tante qui travaille dans un call centre parce qu’elle a des dettes. Le call centre, c’est vraiment où on gagne le salaire le plus bas possible en Suisse, enfin l’un des plus bas. Pour Alice, les arnaques sont une manière de toucher un salaire de manager « normal », tout simplement. Il y a cette scène au début du film, où trois amies sortent du call centre et parlent de l’héritage de leurs grands-parents. Et c’est sûr que notre génération, en Suisse, ne va pas faire beaucoup d’argent, alors que la génération de nos grands-parents, même quand ils étaient ouvriers, ils ont fait un peu d’argent, et nos parents aussi. Et en même temps, il y a des gens qui vont hériter de très grosses sommes, d’autres non. Est-ce que c’est juste ? Alice sait que d’autres gens vont hériter de beaucoup, alors elle veut prendre sa part du gâteau.

Une anecdote intéressante : après une projection à Zurich, un vieux monsieur est venu me voir m’a dit une chose étonnante : d’après lui – parce qu’il faut savoir que cette arnaque est fréquente en Suisse, c’est dans le journal quatre ou cinq fois par semaine, donc tout le monde est au courant – d’après lui, les victimes, d’une certaine manière, savent qu’elles se font arnaquer. Mais elles acceptent de payer 50 000 francs pour ce sentiment d’être utilisé, pour cette petite après-midi, cette petite sensation d’être proche de quelqu’un, d’aider quelqu’un, et c’est le prix que tu paies pour ça. Son idée m’a frappé, peut-être qu’il a raison.

Cette idée mène à un aspect important de ton film. Tu décris des relations entre les gens selon une logique instrumentale : les autres sont des outils. Même les victimes, comme tu viens de le dire, paient pour jouir de cette petite interaction, tandis qu’Alice utilise la détresse pour s’enrichir. Est-ce le monde dans lequel on vit ? Les autres sont-ils des outils ? 

Oui, on peut le lire comme ça, bien sûr. C’est une manière de se rencontrer, d’interagir. Heureusement, ce n’est pas tout : il y a encore de l’amour, les gens rient… Mais c’est une grande partie des interactions, je crois. C’est notre réalité quotidienne et c’est tellement proche de nous que c’est peut-être difficile à percevoir. Mais je suis sûr que tu connais le Comité invisible, et cet enfer dont il parle, cet enfer d’être ensemble maintenant. Quand j’ai lu L’insurrection qui vient la première fois, c’était comme si quelqu’un avait retiré mes lunettes, et je me demandais, mais qu’est-ce qu’on fait ici ? Est-ce que c’est ça notre manière d’être ensemble, qu’est-ce qui se passe ?

"Il y a peut-être une correspondance entre les deux, l'espace et la langue."


Tu as parlé de Zurich, tu as insisté sur le fait que tu voulais tourner un film à Zurich. Mais, premièrement, c’est très dur de savoir où, dans Zurich, on se trouve… 

…Oui, même les Zurichois me racontent qu’ils passent tout le film à se demander : mais c’est où ?

…On devine un gros travail de repérage, pour trouver des lieux précis. En même temps, on a l’impression que ce sont des lieux sans « âme », anonymes, en anglais on dirait des placeless places, ou encore des lieux offshores. 

Tu dis « sans âme », c’est très intéressant, parce qu’on pourrait répondre : mais c’est où, l’âme ? Dans les centres-villes, dans les vieilles villes ? Moi, je ne crois pas. Il y a de l’âme, il y a des humains, et ils sont aussi là, dans ces nouveaux espaces qu’on construit partout en Europe.

Ces espaces m’attirent, je ne sais pas pourquoi, je m’y sens très à l’aise. Je ne pourrais pas y vivre, mais… À Berlin, il y a beaucoup d’espaces comme ça, je crois qu’il y en a moins à Paris, qui est plus dense. À Berlin, il y a beaucoup de déserts dans la ville, de nouvelles places un peu bizarres. Mais j’aime beaucoup y aller.

Dene Wos Guet Geit: des "side places"?

Peut-être que c’est un peu comme les conversations dans le film, ce sont des « side conversations », des « offshore conversations », ce n’est pas ce qu’on considère comme le centre de notre langue. On espère que le centre, c’est l’âme : alors, c’est comme le centre-ville, mais là aussi il existe d’autres espaces, c’est-à-dire d’autres parties de la langue, avec tous ces chiffres. Alors oui, il y a peut-être une correspondance entre les deux, l’espace et la langue.

J’aimais aussi avoir une idée précise de ces images avant de tourner. J’ai beaucoup circulé dans Zurich à vélo, j’ai pris des photos avec mon chef opérateur. Mais les dialogues sont très improvisés : c’est construit en amont, mais on a eu beaucoup d’heures de tournage, avec des dialogues qu’on a ensuite coupés, pour laisser de la place aux acteurs pour parler. On était très loin avec la caméra, parfois à plus de deux cents mètres – on a travaillé avec un gros zoom – et on a laissé les acteurs parler, et parfois ils ont parlé pendant très longtemps, une demi-heure, il a fallu les arrêter.

Tu admets que tu te sens bien dans ces espaces, mais que tu ne voudrais pas y vivre. Dans le film, on ne voit par exemple jamais le ciel, ou presque. Pour toi, à quoi correspondent ces lieux, que racontent-ils de notre monde ?

C’est difficile de répondre. J’ai vu un très beau film sur Gerhard Richter, le peintre allemand, et il dit qu’on ne peut pas parler sur la peinture. Les images, dans le film, je ne sais pas d’où elles viennent. Je vis dans le cinéma, c’est mon monde, et ces images m’arrivent, je ne sais pas pourquoi, je n’y pense pas trop. Mais je me sens bien avec.

Mais si j’essaie de réfléchir sur ces lieux… Déjà, ils existent, c’est une raison de les montrer. Même s’ils sont nouveaux et bizarres, ils existent. Et peut-être que c’est un peu comme la langue qu’on parle dans le film. On se demande : mais qu’est-ce que c’est ? mais c’est où ? J’aime beaucoup ces questions.

"Je ne veux pas séduire les gens, comme le font beaucoup de films."


Mais c’est peut-être aussi pour faire à la manière de Brecht : c’est important pour moi que le spectateur soit conscient d’être devant une image, devant un film. Je ne veux pas séduire les gens, comme le font beaucoup de films. Là, tu sais que tu regardes une image, tu es là et quelque chose se passe, peut-être que tu te poses des questions. Et je trouve les questions très belles.

Comme je l’ai dit avant, j’essaie de soulever des questions, pas d’apporter des réponses. Je crois que la manière de s’interroger sur ce qui existe, c’est un beau début, et ces images sont aussi une invitation pour le spectateur. Et les gens réagissent : il y a des gens qui n’aiment pas du tout, qui sortent du cinéma, qui sont vraiment furieux. J’ai aussi reçu des emails d’inconnus, et d’autres viennent me voir après la projection et me parlent beaucoup.

Tu as dit tout à l’heure que tu voulais tourner à Zurich, mais tu admets qu’on ne s’y reconnaît pas vraiment. Alors, est-ce que tu parles de Zurich ? ou peut-être de la Suisse, ou de quelque chose de plus vaste ?

Je n’ai pas grandi dans une atmosphère comme ça à Zurich, mais dans quelque chose de très différent. Je ne montre pas le Zurich de mes souvenirs. Mais c’est une manière de voir la ville, c’est une suggestion. Je ne dis pas que c’est Zurich, mais ces espaces existent et je crois qu’ils correspondent aux lieux où il y a beaucoup de capital, où le capital s’écoule. Ce sont des espaces très organisés, c’est clean, ce sont des endroits où les gens ont les moyens par exemple de s’occuper les vieux, des choses qui demandent de l’argent.

Donc c’est la Suisse, mais aussi d’autres lieux en Europe. On a reçu un texte d’un critique espagnol, que j’aime beaucoup, qui dit que le film parle d’une Europe riche, mais qui va mal. 
Toujours sur la langue, une chose m’a frappé : dans les discussions, à plusieurs reprises, les gens parlent de films dont ils ont oublié le titre, comme si les films étaient interchangeables. Est-ce que tu pointes un phénomène d’oubli, ou bien un monde dans lequel tout serait interchangeable ?

Non, pas vraiment, c’est plus simple : ça arrive souvent. Quand je parle avec des gens, on croit se souvenir d’un film, on ne trouve plus titre, on cherche… Pour moi, ce n’est pas une référence à la mémoire à l’époque digitale, c’est quelque chose qui arrive, et que je trouve très beau.

C’est un peu comme les histoires de fantômes : le temps de l’histoire, tu crois que les fantômes existent. Et là, tu essaies d’imaginer ce film dont quelqu’un parle, sans savoir ce que c’est. Et j’ai choisi de prendre ça pour début et pour fin du film. À la fin, une femme se souvient d’un film dans lequel la Banque centrale européenne explose. C’est une manière de raconter des histoires importantes pour moi, dans le film, mais qu’on ne voit pas faute de place, ou parce que c’est impossible. Par exemple, c’est trop cher de filmer l’explosion de la Banque centrale européenne, mais c’est une bonne fin pour le film, je trouve. Il y a aussi une histoire d’amour, racontée par une femme policière – qui ne se souvient pas non plus du titre. Pour moi, ça fait une petite histoire d’amour dans le film.

DeneWos Guet Geit: l'omniprésence policière, nouveau modèle urbain

J’ai l’impression que j’essaie de rendre ton film très politique, et que tu fais tout pour résister, en me disant : mais non, pas du tout. Alors, je propose de finir sur l’omniprésence policière dans le film. Tu évoques une chose qu’on vit aujourd’hui. 

Bon, je ne veux pas dire que le film n’est pas politique. Mais pour moi, la politique c’est un mot, un peu comme démocratie : c’est un très vieux mot grec, qui a beaucoup changé en deux mille cinq cents ans. Et ce mot politique, comme tu sais, vient de polis, la ville, la cité : la question est de savoir comment on s’organise comme ville. Et moi je veux poser la question : de quoi ont parlé les Grecs ? De quoi on parle ? Et il y a une autre question : comment on parle ? Je crois que la langue est le début de la construction d’une polis, d’une communauté politique : on construit la polis par la langue. Donc la parole est toujours politique : c’est toujours politique quand les gens parlent. Et dans le film, c’est vrai, on a une langue étrange.

"Je ne pouvais pas faire un premier long-métrage en Suisse sans montrer les banques."


Quant à l’omniprésence policière, voilà une grande question. Pour moi, c’est compliqué : quand je vois des uniformes, je me sens mal, je dois fuir. C’est comme cette langue, je crois que ce n’est pas vraiment vu. Ça existe, - et c’est probablement plus fort en France qu’en Suisse ou en Allemagne –, c’est devenu une partie de notre réalité, et il faut y penser, se demander ce que signifie cette présence policière. C’est probablement le début de quelque chose de très important : les lieux du film sont dans ce qu’on pourrait appeler une zone sûre, sécurisée. On est dans un territoire sécurisé par la police, du moins c’est une certaine idée de la sécurité. Et il y aura de plus en plus un découpage, avec des zones sûres, ou dites sûre, et des zones dites dangereuses, comme par exemple la Cisjordanie. Et je crois que c’est le modèle de l’avenir, avec des zones militarisées et protégées, dans lesquelles on peut entrer si on a l’autorisation, et des gens relégués en dehors.

C’est comme les banques, je savais que je ne pouvais pas faire un premier long métrage en Suisse sans montrer les banques. Ça fait partie de cette réalité, c’est central. Et si je fais mon premier long métrage en Europe, je ne peux pas ne pas montrer la présence policière, il faut parler de ça, il faut y penser.

Commentaires