Fribourg 2016, jour 2 (partie 2): femmes du monde

Après le très-féministe-mais-pas-si-militant Madonna, place au pas-si-féministe-mais-très-militant Mary Kom, biopic sur une multiple championne du monde de boxe originaire du Manipur, province du nord-est de l’Inde animée d’une sérieuse agitation indépendantiste. Exemple type du film qu’on aime détester – à moins que ce soit l’inverse –, ce blockbuster bollywoodien signé Omung Kumar et sorti en 2014 a parfaitement trouvé sa place dans la section "Cinéma de genre : plus féroces que les mâles", ne serait-ce que parce qu’il donne à voir une image de la femme bien éloignée des clichés que véhicule une bonne part du cinéma indien – ce qu’on lui reproche assez.

Le pire...

Tout droit sorti de l’industrie bombayenne, emmené par l’ancienne Miss Monde Priyanka Chopra et rythmé par quelques chansons à faire pleurer des camionneurs, le film contient tout – ou presque : on échappe aux interminables chorégraphies, et ça n’est pas rien – ce qu’il peut y avoir d’insupportable dans le cinéma indien le plus commercial, à commencer par des tics de mise en scène et d’écriture usés jusqu’à la corde dans plusieurs milliers de film sur le sport : dialogues éculés sur la rage de vaincre, montages nerveux sur les sessions d’entraînement, matches de boxe suivant un scénario emprunté directement à Olive et Tom, adversaire allemande dure à cuir et mauvaise perdante sur les bords, tout y passe. En point d’orgue, on pourra montrer dans toutes les écoles de cinéma le montage alterné entre une finale de championnat du monde bien mal entamée – le syndrome Olive et Tom, toujours – et l’opération à cœur ouvert de l’enfant de l’héroïne.

... et le meilleur

Mais il y a aussi tout ce qu’on aime : une naïveté et un amour du cinéma contagieux, une histoire à laquelle on a envie de croire et, surtout, quelques uppercuts dans le menton des préjugés de genre.


Il faut surtout reconnaître au film sa capacité à proposer une illustration simple de la notion d’intersectionnalité, c'est-à-dire l’entrecroisement des mécanismes de domination dans la société. En l’occurrence, Mary Kom a dû non seulement faire face aux difficultés que rencontre toute femme se consacrant à haut niveau à un sport réputé masculin – insultes à l’intention de son mari comprises –, mais aussi compter avec le mépris lié à son origine ethnique et sociale – elle est issue d’une famille de paysans d’une ethnie minoritaire du Manipur. À travers le parcours hors-normes de cette championne, et quitte à forcer le trait ici et là, le film résume la prégnance des rapports de domination entre castes, classes, ethnies et genres dans l’Inde contemporaine, ce qui n’est pas rien.

En attendant deux derniers comptes rendus, en ce samedi de remise des récompenses, petit pronostic basé sur un faible échantillon de compétiteurs et quelques bruits de couloir : on applaudirait un Regard d’or récompensant le très beau Siti, en provenance d’Indonésie. Mais on retiendra surtout, quoi qu’il arrive, le niveau très élevé de la sélection. Voilà, c’est dit.

Edit (19h20) : je laisse les lecteurs/rices perspicaces mesurer la portée de la phrase ci-dessus après le verdict, puisque je n'ai vu aucun des films primés.

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