Le Transperceneige (Bong Joon-ho)

Il reste une chance aux Français, les Romands en ont une depuis une petite semaine - mais déjà le choix des salles et des versions se fait mince. Une chance d'aller voir Snowpiercer - Le Transperceneige, adaptation survitaminée de la bande dessinée de Jacques Lob et Jean-Marc Rochette inaugurée en 1982-1983, par le génial Bong Joon-ho (Memories of Murder, The Host). Ci-dessous, quelques très bonnes raisons de s'y précipiter, en dépit de son non-tout-à-fait-carton au box-office hexagonal.

D'abord, c'est l'occasion de (re)découvrir chez Casterman l'intégrale de la BD, scénarisée par Benjamin Legrand à partir du deuxième opus, en 1999, pour y suivre Proloff, premier homme à traverser de bout en bout "le Transperceneige aux mille et un wagons". Le premier à remonter depuis la queue, où sont entassés les miséreux - les queutards -, jusqu'à la locomotive, où se joue l'avenir de ce qu'il reste d'humanité dans "un hiver éternel et glacé".

Ensuite, parce que sur cette base infime d'un monde presque réduit à un espace à une dimension, le réalisateur déploie des trésors d'imagination pour s'approprier ce qu'il reste de largeur et de hauteur, quitte à tordre le train lui-même, le temps d'un virage homérique et d'une fusillade entre arrière et avant temporairement côte à côte.


On ira pour plein d'autres raisons encore - le casting en or massif, l'humour noir, le petit clin d’œil sonore à Shining, les quelques plans d'ensembles stupéfiants du train lancé dans à travers la glace, le plaisir de l'exercice de style...

Mais surtout, surtout, il faut s'offrir le droit de savourer la fin. Car face à la question lancinante de la bande dessinée - pourquoi on roule ? - Bong Joon-ho ne botte pas en touche. Il nous fait d'abord craindre le pire en décrivant un monde social encore plus abject et sclérosé que ne le laisse croire la surface. Ce n'est qu'un chausse-trappe sur le chemin du dénouement, placé là par le facétieux coréen, pour mieux nous montrer que c'est la question politique par excellence que pose cette locomotive enragée : pourquoi on roule, et donc, que se passe-t-il si on arrête de rouler ? Question qui, faute de réponse, annihile le politique, soit au nom de la sécurité, de l'avenir de la planète, ou simplement de l'ordre, l'ordre qui veut, au nom du bien commun, qu'il y ait toujours un avant et un arrière.

Là où ça fait mal.


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